Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/133

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ardeurs dans la vessie, que le moindre échauffement me rendit toujours incommodes, je parvins jusqu’à l’âge de trente ans, sans presque me sentir de ma premier infirmité. Le premier ressentiment que j’en eus fut à mon arrivée à Venise. La fatigue du voyage & les terribles chaleurs que j’avois souffertes renouvelèrent ces ardeurs & me donnèrent des maux de reins que je gardai jusqu’à l’entrée de l’hiver. Après avoir vu la Padoana, je me crus mort & n’eus pas la moindre incommodité. Après m’être épuisé plus d’imagination que de corps pour ma Zulietta, je me portai mieux que jamais. Ce ne fut qu’après la détention de Diderot que l’échauffement contracté dans mes courses de Vincennes, durant les terribles chaleurs qu’il faisoit alors, me donna une violente néphrétique, depuis laquelle je n’ai jamais recouvré ma premier santé.

Au moment dont je parle, m’étant peut-être un peu fatigué au maussade travail de cette maudite caisse, je retombai plus bas qu’auparavant & je demeurai dans mon lit cinq ou six semaines dans le plus triste état que l’on puisse imaginer. Mde. D[...]n m’envoya le célèbre Morand qui, malgré son habileté & la délicatesse de sa main, me fit souffrir des maux incroyables & ne put jamais venir à bout de me sonder. Il me conseilla de recourir à Daran, dont les bougies plus flexibles parvinrent en effet à s’insinuer : mais, en rendant compte à Mde. D[...]n de mon état, Morand lui déclara que dans six mais je ne serois pas en vie. Ce discours, qui me parvint, me fit faire de sérieuses réflexions sur mon état & sur la bêtise de sacrifier le repos & l’agrément du peu de jours qui me restoient à vivre, à l’assujettissement d’un emploi pour