Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/311

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puisque mes amis le veulent, j’y resterai jusqu’au printemps, si vous y consentez."

Cette lettre écrite & partie, je ne pensai plus qu’à me tranquilliser à l’Hermitage, en y soignant ma santé ; tâchant de recouvrer des forces & de prendre des mesures pour en sortir au printemps sans bruit & sans afficher une rupture. Mais ce n’étoit pas là le compte de M. G[...]& de Mde. D’

[Epina] y, comme on verra dans un moment.

Quelques jours après, j’eus enfin le plaisir de recevoir de Diderot cette visite si souvent promise & manquée. Elle ne pouvoit venir plus à propos ; c’étoit mon plus ancien ami, c’étoit presque le seul qui me restât : on peut juger du plaisir que j’eus à le voir dans ces circonstances. J’avois le cœur plein, je l’épanchai dans le sien. Je l’éclairai sur beaucoup de faits qu’on lui avoit tus, déguisés ou supposés. Je lui appris, de tout ce qui s’étoit passé, ce qui m’étoit permis de lui dire. Je n’affectai point de lui taire ce qu’il ne savoit que trop, qu’un amour aussi malheureux qu’insensé avoit été l’instrument de ma perte ; mais je ne convins jamais que Mde. d’H[...]en fût instruite, ou du moins que je le lui eusse déclaré. Je lui parlai des indignes manœuvres de Mde. D’

[Epina] y pour surprendre les lettres très-innocentes que sa belle-sœur m’écrivoit. Je voulus qu’il apprît ces détails de la bouche même des personnes qu’elle avoit tenté de séduire. Thérèse le lui fit exactement : mais que devins-je quand ce fut le tour de la mère, & que je l’entendis déclarer & soutenir que rien de cela n’étoit à sa connoissance ! Ce furent ses termes, & jamais elle ne s’en départit.