Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/357

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demeuré le même. Je ne voulois point qu’on m’envoyât dîner à l’office, & je me souciois peu de la table des grands. J’aurois mieux aimé qu’ils me laissassent pour ce que j’étois, sans me fêter & sans m’avilir. Je répondis honnêtement & respectueusement aux politesses de M. & de Mde. de Luxembourg ; mais je n’acceptai point leurs offres, & tant mes incommodités que mon humeur timide & mon embarras à parler, me faisant frémir à la seule idée de me présenter dans une assemblée des gens de la Cour, je n’allai pas même au château faire une visite de remerciement, quoique je comprisse assez que c’étoit ce qu’on cherchoit, & que tout cet empressement étoit plutôt une affaire de curiosité que de bienveillance.

Cependant les avances continuèrent, & allèrent même en augmentant. Mde. la comtesse de Boufflers qui étoit fort liée avec Mde. la Maréchale, étant venue à Montmorenci, envoya savoir de mes nouvelles & me proposer de me venir voir. Je répondis comme je devois, mais je ne démarrai point. Au voyage de Pâques de l’année suivante 1759, le chevalier de Lorenzy, qui étoit de la Cour de M. le prince de Conti & de la société de Mde. de Luxembourg, vint me voir plusieurs fois, nous fîmes connoissance ; il me pressa d’aller au château : je n’en fis rien. Enfin, une après-midi que je ne songeois à rien moins, je vis arriver M. le maréchal de Luxembourg suivi de cinq ou six personnes. Pour lors il n’y eut plus moyen de m’en dédire, & je ne pus éviter, sous peine d’être un arrogant & un mal-appris, de lui rendre sa visite & d’aller faire ma Cour à Mde.. la Maréchale, de la