Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/400

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auroit eu plus de bêtise que de franchise à cette déclaration faite sans nécessité.

A-peu-près dans le même tems parut la Paix perpétuelle, dont l’année précédente j’avois cédé le manuscrit à un certain M. de Bastide, auteur d’un journal appelé le Monde, dans lequel il vouloit, bon gré mal gré, fourrer tous mes manuscrits. Il étoit de la connoissance de M. Duclos, & vint en son nom me presser de lui aider à remplir le Monde. Il avoit oui parler de la Julie, & vouloit que je la misse dans son journal : il vouloit que j’y misse l’Emile ; il auroit voulu que j’y misse le Contrat social, s’il en eût soupçonné l’existence. Enfin, excédé de ses importunités, je pris le parti de lui céder pour douze louis mon extroit de la Paix perpétuelle. Notre accord étoit qu’il s’imprimeroit dans son journal, mais sitôt qu’il fut propriétaire de ce manuscrit, il jugea à propos de le faire imprimer à part, avec quelques retranchemens que le censeur exigea. Qu’eût-ce été si j’y avois joint mon jugement sur cet ouvrage, dont très heureusement je ne parlai point à M. de Bastide, & qui n’entra point dans notre marché ! Ce jugement est encore en manuscrit parmi mes papiers. Si jamais il voit le jour, on y verra combien les plaisanteries & le ton suffisant de Voltaire à ce sujet m’ont dû faire rire, moi qui voyois si bien la portée de ce pauvre homme dans les matières politiques dont il se mêloit de parler.

Au milieu de mes succès, dans le public, & de la faveur des Dames, je me sentois déchoir à l’hôtel de Luxembourg, non pas auprès de M. le Maréchal, qui sembloit même