Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/229

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pere pour douter que je ne te visse àl’instant percer le cœur de sa main, si même il ne commençoit par moi ; car surement je ne serois pas plus épargnée : & crois-tu que je t’exposerois à ce risque si je n’étois sûre de le partager ?

Pense encore qu’il n’est point question de te fier à ton courage ; il n’faut pas songer ; & je te défends même tres-expressément d’apporter aucune arme pour ta défense, pas même ton épée : aussi bien te seroit-elle parfaitement inutile ; car si nous sommes surpris, mon dessein est de me précipiter dans tes bras, de t’enlacer fortement dans les miens, & de recevoir ainsi le coup mortel pour n’avoir plus à me séparer de toi ; plus heureuse à ma mort que je ne le fus de ma vie.

J’espere qu’un sort plus doux nous est réservé ; je sens au moins, qu’il nous est dû, & la fortune se lassera de nous être injuste. Viens donc, ame de mon cœur, vie de ma vie, viens te réunir à toi-même. Viens sous les auspices du tendre amour, recevoir le prix de ton obéissance & de tes sacrifices. Viens avouer, même au sein des plaisirs, que c’est de l’union des cœurs qu’ils tirent leur plus grand charme.