Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/231

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qui marque si bien le goût de celle qui le porte ; ces mules si mignonnes qu’un pied souple remplit sans peine ; ce corps si délié qui touche & embrasse… quelle taille enchanteresse !… au-devant deux légers contours… ô spectacle de volupté !…la baleine a cédé à la force de l’impression… empreintes délicieuses, que je vous baise mille fois !....Dieux ! Dieux ! que sera-ce quand… Ah ! je crois déjà sentir ce tendre cœur battre sous une heureuse main ! Julie ! ma charmante Julie ! je te vois, je te sens par-tout, je te respire avec l’air que tu as respiré ; tu pénetres toute ma substance ; que ton séjour est brûlant & douloureux pour moi ! Il est terrible à mon impatience. Ô viens ! vole, ou je suis perdu.

Quel bonheur d’avoir trouvé de l’encre & du papier ! J’exprime ce que je sens pour en tempérer l’exces, je donne le change à mes transports en les décrivant.

Il me semble entendre du bruit. Seroit-ce ton barbare pere ? Je ne crois pas être lâche… mais qu’en ce moment, la mort me seroit horrible ! Mon désespoir seroit égal à l’ardeur qui me consume. Ciel ! Je te demande encore une heure de vie, & j’abandonne le reste de mon être à ta rigueur. Ô désirs ! ô craintes ! ô palpitations cruelles !… on ouvre !… on entre !… c’est elle ! c’est elle ! je l’entrevois, je l’ai vue, j’entends refermer la porte. Mon cœur, mon foible cœur, tu succombes à tant d’agitations. Ah ! cherche des forces pour supporter la félicité qui t’accable !