Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/325

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je vois compris le Conseil général. Dès-là je vois dans chacun des cinq une portion particulière du Gouvernement ; mais je n’y vois point la Puissance constitutive qui les établit, qui les lie, & de laquelle ils dépendent tous : je n’y vois point le Souverain. Or dans tout Etat politique il faut une Puissance suprême ; un centre où tout se rapporte, un principe d’où tout dérive, un Souverain qui puisse tout.

Figurez-vous, Monsieur, que quelqu’un, vous rendant compte de la constitution de l’Angleterre vous parle ainsi. "Le Gouvernement de la Grande-Bretagne est composé de quatre Ordres dont aucun ne peut attenter aux droits & attributions des autres : savoir, le Roi, la Chambre haute, la Chambre basse, & le Parlement." Ne diriez-vous pas à l’instant ? vous vous trompez : il n’y a que trois Ordres. Le Parlement qui, lorsque le Roi y siège, les comprend tous, n’en est pas un quatrieme : il est le tout ; il est le pouvoir unique & suprême duquel chacun tire son existence & ses droits. Revêtu de l’autorité législative, il peut changer même la Loi fondamentale en vertu de laquelle chacun de ces ordres existe ; il le peut, &, de plus, il l’a fait.

Cette réponse est juste : l’application en est claire ; & cependant il y a encore cette différence, que le Parlement d’Angleterre n’est Souverain qu’en vertu de la Loi & seulement par attribution & députation : au lieu que le Conseil général de Geneve n’est établi ni député de personne ; il est souverain de son propre chef ; il est la Loi vivante & fondamentale qui donne vie & force à tout le reste, & qui