Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/116

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qui le convoite. On ne sauroit dire que ce soit un mal en foi de porter des manchettes de point, un habit brode, & une boite émaillée. Mais c’en est un très-grand de faire quelque cas de ces colifichets, d’estimer heureux le peuple qui les porte, & de consacrer à se mettre en etat d’en acquérir de semblables, un tems & des soins que tout homme doit à de plus nobles objets. Je n’ai pas besoin d’apprendre quel est le métier de celui qui s’occupe de telles vues, pour savoir le jugement qui je dois porter de lui.

J’ai passe le beau portrait qu’on nous fait ici des Savans, & je crois pouvoir me faire un mérite de cette complaisance. Mon Adversaire est moins indulgent : non-seulement il m’accorde rien qu’il puisse me refuser ; mais plutôt que de passer condamnation sur le mal que je pense de notre vaine & fausse politesse, il aime mieux excuser l’hypocrisie. Il me demande si je voudrois que le vice se montrât à découvert ? Assurément je le voudrois. La confiance & l’estime renaitroient entre les bons, on apprendroit à se défier des mechans, & la société en seroit plus sure. J’aime mieux que mon ennemi m’attaque à force ouverte, que de venir en trahison me frappes par derrière. Quoi donc ! faudra-t-il joindre le scandale au crime ? Je ne sais ; mais je voudrois bien qu’on n’y joignit pas la fourberie. C’est une chose très-commode pour les vicieux que tout les maximes qu’on nous débite depuis long-tems sur le scandale : si on les vouloit suivre à la rigueur, il faudroit se laisser piller, trahir, tuer impunément & ne jamais punir personne ; car c’est un objet très-scandaleux, qu’un scélérat sur la roue. Mais l’hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu ? Oui,