Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/263

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Intendans ſe tournoient pour ou contre ſelon le voiſinage des armées & l’impulſion des plus puiſſans. Les Provinces ſans défenſe, & ſur-tout l’Italie, n’avoient pas même le choix de leurs fers & n’étoient que le prix des vainqueurs. Tel étoit l’état de l’Empire Romain quand Galba, Conſul pour la deuxieme fois, & Vinius ſon collegue, commencerent leur derniere année & preſque celle de la République.

Au commencement de Janvier on reçut avis de Propinquus Intendant de la Belgique, que les Légions de la Germanie ſupérieure, ſans reſpect pour leur ſerment demandoient un autre Empereur, & que pour rendre leur révolte moins odieuſe, elles conſentoient qu’il fût élu par le Sénat & le Peuple Romain. Ces nouvelles accélérerent l’adoption dont Galba délibéroit auparavant en lui-même & avec ſes amis, & dont le bruit étoit grand depuis quelque tems dans toute la ville, tant par la licence des nouvelliſtes qu’à cauſe de l’âge avancé de Galba. La raiſon, l’amour de la patrie dictoient les vœux du petit nombre ; mais la multitude paſſionnée nommant tantôt l’un tantôt l’autre, chacun ſon protecteur ou son ami, conſultoit uniquement ſes deſirs secrets ou sa haine pour Vinius, qui, devenant de jour en jour plus puiſſant, devenoit plus odieux en même meſure ; car comme ſous un maître infirme & crédule les fraudes sont plus profitables & moins dangereuſes, la facilité de Galba augmentoit l’avidité des parvenus, qui meſuroient leur ambition ſur leur fortune.