Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/349

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mais ne ſachant ni s’accorder dans leurs délibérations, ni garder leurs rangs, ni ſe ſervir de leurs armes, ils ſe laiſſoient défaire, tuer par nos vieux soldats, & forcer dans leurs Places dont tous les murs tomboient en ruines. Cecina d’un côté avec une bonne armée, de l’autre les Eſcadrons & les Cohortes Rhétiques compoſés d’une jeuneſſe exercée aux armes & bien diſciplinée, mettoit tout à feu & à ſang. Les Suiſſes, diſperſés entre deux, jettant leurs armes & la plupart épars ou bleſſés ſe réfugierent ſur les montagnes, d’où chaſſés par une Cohorte Thrace qu’on détacha après eux & pourſuivis par l’armée des Rhétiens, on les maſſacroit dans les forêts & juſques dans leurs cavernes. On en tua par milliers & l’on en vendit un grand nombre. Quand on eut fait le dégât, on marcha en bataille à Avanche Capitale du pays. Ils envoyerent des députés pour ſe rendre & furent reçus à diſcrétion. Cecina fit punir Julius Alpinus un de leurs Chefs, comme auteur de la guerre, laiſſant au jugement de Vitellius la grace ou le châtiment des autres.

On auroit peine à dire qui, du voldat ou de l’Empereur, ſe montra le plus implacable aux députés Helvétiens. Tous les menaçant des armes & de la main, crioient qu’il faloit détruire leur Ville, & Vitellius même ne pouvoit modérer sa fureur. Cependant Claudius Coſſus un des Députés, connu par ſon éloquence, ſut l’employer avec tant de force & la cacher avec tant d’adreſſe ſous un air d’effroi, qu’il adoucit l’eſprit des ſoldats, & ſelon l’inconſtance ordinaire au Peuple, les rendit auſſi portés à la clémence qu’ils l’étoient d’abord à la cruauté.