Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/52

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SECONDE PARTIE.

C’étoit une ancienne tradition passée de l’Égypte en Grèce, qu’un Dieu ennemi du repos des hommes étoit l’inventeur des sciences.* [*On voit aisément l’allégorie de la fable de Prométhée ; & il ne paroît pas que les Grecs qui vont cloué sur le Caucase, en pensassent guères plus favorablement que les Egyptiens de leur Dieu Teuthus. "Le Satyre, dit une ancienne fable, voulut baiser & embrasser le feu, la première fois qu’il le vit ; mais Prometheus lui cria : Satyre, tu pleureras la barbe de ton menton, car il brûle quand on y touche ." C’est le sujet du frontispice.]Quelle opinion falloit-il donc qu’eussent d’elles les Egyptiens mêmes, chez qui elles étoient nées ? C’est qu’ils voyoient de près les sources qui les avoient produites. En effet, soit qu’on feuillette les annales du monde, soit qu’on supplée à des chroniques incertaines par des recherches philosophiques, on ne trouvera pas aux connoissances humaines une origine qui réponde à l’idée qu’on aime à s’en former. L’Astronomie est née de la superstition ; l’Eloquence, de l’ambition, de la haine, de la flatterie, du mensonge ; la Géométrie, de l’avarice ; la Physique, d’une vaine curiosité ; toutes, et la Morale même, de l’orgueil humain. Les Sciences & les Arts doivent donc leur naissance à nos vices : nous serions moins en doute sur leurs avantages, s’ils la devoient à nos vertus.

Le défaut de leur origine ne nous est que trop retracé dans leurs objets. Que ferions-nous des arts, sans le luxe qui les nourrit ? Sans les injustices des hommes, à quoi serviroit la jurisprudence ? Que deviendroit l’Histoire, s’il n’y avoit ni