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Rousseau historien 15

Cette division de la couronne et les jalousies qu’elle causa toujours entre les Rois associés furent la première cause du bonheur et de la gloire de Sparte, en forçant les deux Rivaux de briguer à l’envi la faveur du Peuple et de renoncer par degrés au despotisme qu’ils avaient usurpé. Eurytion, petit- fils de Proclès, fut le premier qui se relâchant de ses droits ou de ses prétensions força son collègue et ses successeurs à renchérir sur lui ou du moins à suivre son exemple, con- descendance qui le fit si fort aimer de ses sujets qu’ils chan- gèrent en sa faveur le nom de Proclidcs et leur donnèrent le sien, comme ils avaient donné à la famille d’Eurysthène celui d’Agis, son fils, pour avoir asservi les Ilotes.

Ce n’est pas que l’autorité Royale sacrifiée par de pareils inotifs à la licence du Peuple produisit immédiatement un changement avantageux; au contraire, les particuliers qui secouaient ainsi le joug de la Tyrannie sans se soumettre à celui des loix en devenoient plus insolens sans en être plus heureux, et pour les garantir des outrages de deux hommes l’impunité les exposait à ceux de tous leurs ennemis. Mais cette espèce d’anarchie également funeste aux Princes et aux sujets disposa les uns et les autres à recevoir une meilleure police quand le tems vint de la leur présenter. Les Rois aimèrent mieux tenir de !a Loy une autorité certaine et modérée que d’en avoir une précaire, absolue en apparence mais sans aucun pouvoir en effet, et le peuple préférant des Loix impartiales à des Rois méchans ou inutiles se trouva trop heureux de renoncer au pouvoir d’offenser autrui pour n’être plus offensé lui-même. Au reste les Rois ne cessèrent pas tout d’un coup d’être des Tyrans.

Les Ilotes ou Helotes étaient les habitans d’une ville ma- ritime de la Laconie nommée Helos

Si quelque homme était digne, d’être le maître des autres, ce serait celui qui sait l’être de lui-même. Si quelque in- fidélité pouvait être permise pour sauver la patrie ce serait celle qu’on à force des vertus