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et ceux-ci courts, souples, fins et cotonneux. Les premiers paroissent extérieurement, les seconds sont cachés et ne peuvent être apperçus que lorsqu’on ouvre la fourrure de l’animal. Il est des races d’animaux chez lesquelles ce poil délié et fin pousse seulement durant les froids de l’hiver, et tombe dans le cours de la belle saison. Il semble même que le froid est la cause de cette croissance, puisque certaines espèces qui, dans les pays chauds ou tempérés, portent dans chaque saison de l’année un poil homogène, se couvrent, durant l’hiver, lorsqu’ils vivent dans les régions glacées, une autre espèce de poil plus fin et plus doux. Nous avons observé, en Norwège, ne les cochons se couvroient en hiver d’une espèce de laine frisée qui diffère essentiellement des soies longues et roides dont est revêtue communément la peau de ces animaux[1].

§. III. Des lieux où se trouvent les mérinos, de leurs voyages. La race des mérinos est répandue dans plusieurs provinces de l’Espagne ; on la trouve dans la Galice, les Asturies, le royaume de Léon, les deux Castilles, la Manche, l’Aragon, le royaume de Valence, de Murcie, l’Andalousie, l’Estramadure, et même dans la Catalogne. La presque totalité de ces moutons est continuellement en voyage, c’est-à-dire qu’elle habite pendant l’hiver les plaines et les parties méridionales de l’Espagne, où le degré de chaleur est suffisant pour donner, dans cette saison, une végétation non interrompue, de sorte que la campagne se trouve couverte de verdure. Les mêmes moutons passent sur les montagnes et dans les provinces du Nord, avant que les pâturages du Midi n’aient été entièrement desséchés par l’ardeur du soleil. Cette transition d’un lieu à un autre leur procure des pâturages frais et abondans, ce qui contribue à les maintenir en bonne santé, et favorise la reproduction des belles laines. Ces deux avantages sont pareillement l’effet de l’exercice habituel qu’ils prennent, et du grand air auquel ils sont exposés ; ils passent jour et nuit dans les champs, et ils supportent, sans aucun abri, les chaleurs du soleil et les autres intempéries de l’air. Il est vrai que ce genre d’existence leur occasionne souvent des maladies. Si les froids de l’hiver sont rigoureux, si la neige est abondante, alors les pâturages manquent, la mortalité se déclare, et produit de grands ravages parmi les troupeaux.

Le nombre des mérinos sédentaires est peu considérable ; on en trouve quelques troupeaux dans le royaume de Léon, aux environs de Ségovie, de Buitrago, de Burgos. Ils sont disséminés sur divers points de l’Estramadure : on croit généralement, en Espagne, que les troupeaux sédentaires produisent des laines inférieures à celles des transhumants ou voyageurs. Cette opinion est le résultat de l’ignorance et des préjugés. Elle est maintenue par l’intérêt des fabricans, et par celui des propriétaires de grands troupeaux voyageurs. Nous avons vu aux environs de Ségovie et même de Madrid, dans la Sierra-Morena, et dans plusieurs lieux de l’Estramadure, des troupeaux sédentaires qui produisoient des laines aussi fines que celles de la majeure partie des moutons voyageurs. Mais ce préjugé commence à se dissiper ; l’intérêt a dessillé les yeux à quelques propriétaires qui envoient les laines de leurs troupeaux sédentaires à Ségovie, où elles sont lavées et vendues aux mêmes prix que les laines connues dans le commerce sous le nom de Ségoviennes.

  1. Il y a, dans le royaume de Grenade, une espèce de porcs qui est privée de soies, et dont la peau ressemble à celle du chien turc.