Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/281

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pouvoir se remuer. On prétend que la sueur attendrit la laine, et la rend plus facile à être coupée ; mais cette méthode doit être proscrite, puisqu’elle occasionne des mortalités parmi les troupeaux, lorsque le temps est froid ou pluvieux, ou qu’elle est l’origine de plusieurs maladies plus ou moins graves. On doit abriter les animaux avant la tonte, afin de pouvoir enlever leurs toisons sans qu’elles soient mouillées ; elles s’échaufferoient et se détérioreroient, si on les entassoit, et si on les conservoit dans cet état.

$. XX. Manière dont se fait le triage des laines en Espagne. On est dans l’usage, en Espagne, de faire le triage des laines avant de procéder à leur lavage. Cette opération, inusitée en France, est cependant d’une grande importance, soit qu’on la considère sous des rapports commerciaux, soit qu’on l’envisage relativement aux fabriques. On sait que les différentes parties du corps d’un mouton ne donnent pas des laines d’une nature semblable ; les unes sont plus longues que les autres, plus ou moins fines, plus ou moins élastiques, etc. ; elles diffèrent par conséquent dans leurs qualités, et ne sauroient être employées indistinctement aux mêmes usages ; il est donc nécessaire de les séparer avant qu’elles soient soumises au lavage. Le triage devient, après cette opération, impossible à exécuter ; ou bien il ne peut se faire qu’avec beaucoup d’imperfection. Il importe donc au fabricant que les laines soient triées lorsqu’il les reçoit ; et par conséquent le cultivateur s’en défait avec plus d’avantage, lorsqu’il peut les vendre dans cet état.

Le triage s’exécute, dans quelques cantons de l’Espagne, aux endroits où se fait la tonte : mais le plus communément il est différé jusqu’au moment du lavage, et il a lieu dans les lavoirs mêmes. On pèse les toisons à mesure qu’on les reçoit ; on les place ensuite dans de grands magasins, d’où on les retire à mesure qu’on veut les laver. On les transporte premièrement dans un long bâtiment ou hangar, sous lequel se fait le triage. Les ouvriers, placés en file le long de la partie du hangar qui est à jour, prennent les toisons entassées derrière eux ; ils les posent sur une table à treillage dont nous donnerons plus bas la description ; ils les développent et les étendent sur la table. Ils enlèvent alors d’une main les différentes qualités selon qu’elles se présentent au premier coup d’œil, ou selon que l’habitude les y porte, et ils jettent chacune de ces qualités dans une place différente. Les crottins sont jetés sous la table, la troisième qualité sur l’emplacement qui se trouve derrière l’ouvrier ; la seconde, dans un espace formé en pierre, et situé vis-à-vis la table ; la quatrième enfin est jetée au delà de cet espace et hors du hangar. Un ouvrier fait ordinairement, par jour, le triage de mille livres de laine.

Comme l’opération du triage est difficile, et qu’il est très-important qu’une bonne qualité ne soit pas confondue avec une mauvaise, on demande de la part des ouvriers une grande habitude et beaucoup d’habileté : c’est du soin avec lequel elle est faite que dépendent la réputation d’une pile, et les bénéfices de sa vente : aussi exige-t-on de ces ouvriers cinq ans d’apprentissage. Un commis dirige et surveille la division des laines. Pour faciliter l’intelligence de ce que nous venons de dire sur le partage des laines, nous avons donné, Planche IV, la représentation d’un mouton, sur le corps duquel on trouvera indiquées, par des lignes ponctuées, les parties de l’animal qui donnent les différentes qualités de laine : les espaces numérotés 1 indiquent la première