Page:Ruskin - La Bible d’Amiens.djvu/172

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les chevaliers français, et curieux de noter la préférence des meilleurs d’entre eux à user de la francisca, non seulement aux temps de Cœur de Lion, mais même aux jours de Poitiers. Dans le dernier engagement de cette bataille aux portes de Poitiers : « Là, fit le roi Jehan de sa main merveilles d’armes, et tenait une hache de guerre dont bien se déffendait et combattait, si la quartre partie de ses gens luy eussent ressemblé, la journée eust été pour eux. » Plus remarquable encore à ce point de vue est l’épisode du combat que Froissart s’arrête pour nous dire avant de commencer son récit, et qui met aux prises le Sire de Verclef (sur la Severn) et l’écuyer Picard Jean de Helennes ; l’Anglais perdant son sabre descend pour le reprendre ; sur quoi Helennes lui jette le sien avec un tel visé et une telle force « qu’il accousuit l’Anglais es cuisses, tellement que l’épée entre dedans et le cousit tout parmi, jusqu’au hans ».

Là-dessus, le chevalier se rendant, l’écuyer bande sa plaie, et le soigne, restant quinze jours « pour l’amour de lui », à Châtellerault, tant que sa vie fut en danger, et ensuite lui faisant faire toute la route en litière jusqu’à son propre château de Picardie. Sa rançon est de 6.000 nobles. Je pense environ 25.000 livres de notre valeur actuelle et vous pouvez tenir pour un signe particulièrement fatal du proche déclin des temps de la chevalerie ce fait que « devint celuy Escuyer, chevalier, pour le grand profit qu’il eut du Seigneur de Verclef ».

Je reviens volontiers à l’aube de la chevalerie, alors qu’heure par heure, année par année, les hommes devenaient plus doux et plus sages, alors que même au travers des pires cruautés et des pires erreurs on pouvait voir les qualités natives de la caste la plus noble