Page:Ruskin - Sésame et les lys.djvu/113

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raisons de « penser », seulement d’essayer d’apprendre davantage. Bien plus, il est probable que de toute votre vie (à moins, comme je l’ai dit, que vous ne soyez une personne remarquable), vous n’aurez le droit d’avoir d’« opinions » sur quoi que ce soit, excepté sur ce qui est immédiatement à votre portée. Ce qui doit de toute nécessité être fait, il n’est pas de doute que vous pouvez toujours décider comment le faire. Avez-vous une maison à tenir en ordre, une marchandise à vendre, un champ à labourer, un fossé à curer ? Il n’y a pas besoin d’avoir deux opinions sur la manière de faire cela, et ce sera à vos risques et périls si vous n’avez rien de plus qu’une opinion sur la manière de procéder dans ces cas-là. Et de même, en dehors de vos propres affaires, il y a un ou deux sujets sur lesquels vous êtes tenus de n’avoir qu’une opinion. Que la friponnerie et le mensonge sont coupables[1] et doivent être sur-le-champ chassés à coups de

    chacun capable de penser de travers sur tous les sujets imaginables qui ont de l’importance pour lui. (Note de l’auteur.)

  1. De tels passages paraissent aux petits esprits l’œuvre d’un petit esprit ; les grands esprits au contraire reconnaîtront que c’est, en morale, la conclusion à laquelle aboutissent tous les grands esprits. Seulement ils pourront regretter (pour les autres) que Ruskin s’explique aussi peu et donne cette forme un peu bourgeoise et un peu courte à des vérités qui pourraient être présentées moins mosaïquement. Cf. (pour cette manière d’exposer une vérité en la rapetissant volontairement, en lui donnant une apparence offensive de lieu commun démodé) Bible d’Amiens, IV, 59 : « Toutes les créatures humaines qui ont des affections ardentes, le sens commun et l’empire sur soi-même, ont été et sont naturellement morales… un homme bon et sage diffère d’un homme méchant et idiot, comme un bon chien d’un chien hargneux. » Ruskin, quand il écrit, ne tient jamais compte de Mme Bovary, qui peut le lire. Ou plutôt il aime à la choquer et à lui paraître médiocre. (Note du traducteur.)