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LES MUSES FRANÇAISES

La vie a peut-être en effet passé sur l’âme de Mlle  Émilie Arnal avec l’âpreté douloureuse de ses réalités, mais du moins elle y a éveillé la sonorité grave, la majesté hautaine et parfois attendrie de beaux vers.

Mlle  Émilie Arnal appartient incontestablement au groupe parnassien. Elle emploie les rythmes traditionnels et ne semble pas curieuse d’en imaginer de nouveaux.

BIBLIOGRAPHIE. — Vers les sommets, E. Sansot et Cie, Paris, 1908, in-18.

CONSULTER. — A. Dorchain, Les Annales, 28 mai 1908. — E.-Henri Bloch, Cinq langues, 20 mai 1908. — P.-B., Journal des Débats, 7 juillet 1908. — Charles de Pomairols, Journal de l'Aveyron, 3 mai 1908. — Jules Bertaut, La Chronique des lettres françaises, 20 mai 1908.

LORSQUE VIENDRA LE SOIR



Que de fois le bonheur, sans détourner la tête,
Sans me voir, sans m’entendre, est passé près de moi,
Je n’ai pas dit le mot par lequel on arrête
L’inconnu dont le pas fait naître tant d’émoi.

Je n’ai pas su crier : « Venez ! Mon âme est pleine
De parfums répandus pour recevoir les dieux !
Venez ! Le réséda, la rose, la verveine
Ont laissé sur mes doigts leurs sucs délicieux ! »

Je n’ai pas su vous tendre au bord de la fontaine
La cruche dont le soir avait bleui le grès ;
Ma fierté me gardait, toute grave et lointaine,
Dans l’ombre que posaient sur moi les longs cyprès.

Et je n’ai pas tissé la guirlande légère
Des fleurs de volupté dont l’arôme est si doux
Que, pour les respirer, retournant en arrière,
Vous m’en auriez laissée enchaîner vos genoux.

Car je voulais vous conquérir sans artifice.
Je vous gardais mon front, mes lèvres et mes yeux ;
Comme un lis pur ouvrant au soleil son calice
Je vous offrais mon cœur, fier et mystérieux.

Je voulais qu’en mes mains toutes chaudes et pleines
De caresses, de dons, se posât votre main,
Car mon amour avait, pour apaiser vos peines,
Plus de fraîcheur que l’eau des sources du chemin.