Page:Sénèque - Œuvres complètes, trad. Baillard, tome II.djvu/268

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

depuis le bas et ne restera pas en grande partie, comme les vieux oliviers, aride et rabougri.

Voici quel fut son second mode de transplantation : de fortes branches, dont l’écorce non durcie encore ressemble à celle des jeunes arbres, se plantaient comme des troncs. Leur croissance est un peu plus lente ; mais, comme s’ils partaient d’une tige mère, ils n’ont rien qui choque le toucher ni la vue. J’ai vu encore un vieux cep de vigne qu’on détache du tronc pour le transplanter : il faut ramasser en faisceau, s’il se peut, jusqu’aux moindres poils des racines, puis coucher le plant bien au long, pour que le cep même en jette de nouvelles. Et j’en ai vu de plantés en février, et même à la fin de mars, qui déjà tiennent embrassé l’ormeau de leur voisin. Au surplus tous ces arbres que j’appelle à haute tige[1] veulent, suivant Ægialus, être arrosés d’eau de citerne : si ce moyen est bon, nous avons la pluie à commandement. Je ne veux pas t’en apprendre plus, de crainte de te mettre en état, comme Ægialus l’a fait avec moi, de disputer contre ton maître.


LETTRE LXXXVII.

Frugalité de Sénèque. Du luxe. Les richesses sont-elles un bien ?

J’ai fait naufrage avant de m’embarquer : comment la chose arriva-t-elle, je ne le dirai pas ; tu pourrais la ranger parmi les paradoxes stoïciens dont aucun pourtant n’est ni mensonger, ni si étrange qu’il paraît l’être au premier aspect, ce que je te ferai voir quand tu voudras, et même quand tu ne le voudrais pas. En attendant, mon expédition m’a appris combien nous avons d’objets superflus, et qu’un facile raisonnement porterait l’homme à se défaire de choses que parfois la nécessité lui enlève et dont il ne sent pas la perte. Avec le peu d’esclaves que pouvait tenir un seul chariot, sans autre garde-robe que ce que nous portons sur nous, mon cher Maxime et moi sommes déjà au second jour du plus heureux voyage. Mon matelas est par

  1. Je lis grandiscapiæ, comme plus haut arborum truncos cum scap suo et non rapo.