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fort le parterre. Les charges de la Tournelle[1] sont enchéries depuis qu’elle doit être sur la sellette ; elle est plus belle que jamais. Elle boit, et mange, et rit, et ne se plaint que de n’avoir point encore trouvé d’amant à la Conciergerie.

Je vous éclaircirai un peu mieux l’affaire dont vous me parlâtes l’autre jour ; mais M. le comte de Guiche ni M. de Longueville n’en sont point, ce me semble : enfin je vous en instruirai. M. de Boufflers a tué un homme, après sa mort. Il étoit dans sa bière et en carrosse, on le menoit à une lieue de Boufflers pour l’enterrer, son curé étoit avec le corps. On verse ; la bière coupe le cou au pauvre curé[2]. Hier un homme versa en revenant de Saint-Germain ; il se creva le cœur, et mourut dans le carrosse.

Mme Scarron, qui soupe ici tous les soirs, et dont la compagnie est délicieuse, s’amuse et se joue avec votre fille. Elle la trouve jolie, et point du tout laide. Cette petite appeloit hier l’abbé Têtu son papa : il s’en défendit par de très-bonnes raisons, et nous le crûmes. Je vous embrasse, ma très-aimable. Je vous mandai tant de choses en dernier lieu, qu’il me semble que je n’ai rien à dire aujourd’hui ; je vous assure pourtant que je ne demeurerois pas court, si je voulois vous dire tous les sentiments que j’ai pour vous.



    pitre VI du tome IV de Walckenaer, et les Mémoires de la marquise de Courcelles, publiés par M. P. Pougin dans la Bibliothèque elzévirienne.

  1. La Tournelle était la chambre criminelle du parlement ; elle était composée moitié de conseillers de la grand’chambre, moitié de conseillers des enquêtes qui y entraient à tour de rôle.
  2. Cette aventure donna lieu à la fable de la Fontaine, qui a pour titre : le Curé et le Mort. (Note de Perrin.) — C’est la Fable XI du livre VII. Voyez la lettre du 17 février précédent et la note 26 de la lettre 255.