Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 3.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 127 —

1672


des villes qui se rendent. Il reviendra comte de Hollande[1]. Cette victoire est admirable, et fait voir que rien ne peut résister aux forces et à la conduite de Sa Majesté. Le plus sûr, c’est de l’honorer et de le craindre, et de n’en parler qu’avec admiration.

J’ai vu enfin Mme de Longueville. Le hasard me plaça près de son lit : elle m’en fit approcher encore davantage, et me parla la première ; car pour moi, je ne sais point de paroles dans une telle occasion. Elle me dit qu’elle ne doutoit pas qu’elle ne m’eût fait pitié, que rien ne manquoit à son malheur. Elle me parla de Mme de la Fayette, de M. d’Hacqueville, comme de ceux qui la plaindroient le plus. Elle me parla de mon fils, et de l’amitié que son fils avoit pour lui[2]. Je ne vous dis point mes réponses : elles furent comme elles devoient être ; et, de bonne foi, j’étois si touchée que je ne pouvois pas mal dire ; la foule me chassa. Mais enfin la circonstance de la paix est une sorte d’amertume qui me blesse jusqu’au cœur quand je me mets à sa place. Quand je me tiens à la mienne, j’en loue Dieu, puisqu’elle conserve mon pauvre Sévigné et tous nos amis.

Vous êtes présentement à Grignan. Vous me voulez effrayer de la pensée de ne me point promener, et de n’avoir ni poires, ni pêches ; mais, ma très-aimable, vous y serez peut-être. Et quand je serai lasse de compter vos solives, ne pourrai-je point aller sur vos belles terrasses ? et ne me voulez-vous point donner des figues et des

  1. 2. Le dernier prince qui eût porté ce titre était Philippe II, roi d’Espagne, qui, comme comte de Hollande, était Philippe III. La Hollande avait été érigée en comté par Charles le Chauve, au neuvième siècle.
  2. 3. Ils étaient à peu près de même âge, et c’était sous le duc de Longueville que Sévigné avait fait ses premières armes (en Candie : voyez tome I, p. 525, et la Notice, p. 116).