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Adieu, Comte, je suis fort aise que vous aimiez mes lettres : c’est signe que vous ne me haïssez pas. Je vous laisse avec notre ami.

de corbinelli.

J’ai bien dans la tête de refaire encore un voyage en Bourgogne, Monsieur. Je meurs d’envie de discourir de toutes sortes de choses avec vous ; car ce que j’ai fait en passant a été trop précipité. Je n’ai pas laissé de bien profiter de la lecture de ces endroits que vous m’avez montrés. J’en ai l’esprit rempli ; car personne à mon gré ne dit de si bonnes choses, ni si bien que vous. Vous savez que je ne suis point flatteur. Gardez toujours bien cette divine manière que vous avez au suprême degré, qui est celle d’un homme de qualité, et qui plaît au dernier point : je veux dire, d’avoir toujours plus de choses que de paroles, et de ne pas dire un mot superflu. Ce n’est pas pour faire tomber à propos le précepte d’Horace que je vous dis cela ; car je suis homme à dire un précepte hors de propos, et seulement pour montrer que je le sais, si la fantaisie m’en prenoit : il y a longtemps que vous me connoissez sur ce pied-là. Voici donc le précepte que vous suivez mieux que personne, à mon gré. Horace parle du genre d’écrire appelé satire, sous lequel il entend un certain discours agréable, et des réflexions utiles et douces sur les mœurs, tant bonnes que mauvaises : et voici comment il dit qu’il les faut faire.

Ce n’est pas assez, dit-il, de faire rire, quoique ce soit un très-grand talent :

Ergo non satis est risu diducere rictum
Auditoris ; et est quædam hæc quoque virtus[1].


  1. 4. Ces deux vers latins et les six suivants sont tirés de la xe satire