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MARQUIS DE SADE — 1778
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Elle était en peine de ne pas recevoir de vos nouvelles depuis du temps. Mais je l’ai rassurée en lui disant que vous étiez en voyage pour des soins nécessaires à se donner pour la grande affaire, que j’avais de vos nouvelles, sans détail, parce que c’étaient des objets sur lesquels on n’écrit pas sans risque, que j’espérais vers la fin de ce mois avoir de bonnes nouvelles à lui apprendre. Je l’espère en effet. Mais on lui aurait fait passer de cruels jours dans l’inquiétude. Je l’éprouve par moi-même. Et que sait-on ce que son inquiétude lui aurait fait entreprendre ? En un mot le ministre même, comme ma raison, m’a prescrit cette conduite ; et sans cela on l’aurait mise par ordre dans l’intérieur d’un couvent pour parer à tout inconvénient. J’ai cru qu’il valait mieux donner ma parole et la tenir que de l’exposer à la secousse qu’elle aurait éprouvée malgré moi……

J’attends avec impatience la fin de tout. Non sans un peu d’inquiétude, non pour la personne car on m’a accordé toute sûreté pour elle au cas d’opinions ou informations dangereuses, mais je voudrais bien qu’il ne restât nulle tache. J’ai écrit il y a six jours à MM. les chefs du parlement avec la plus grande instance sur cela. Ceux qui ont pu m’écrire l’ont fait de la manière la plus honnête et la plus flatteuse……


M. de Sade avise l’avocat de son arrivée à la Coste. (sans date)[1].

J’arrive excédé, mourant de fatigue et de faim ; j’ai fait une peur horrible à Gothon. Je vous conterai tout ; c’est un roman. Venez, je vous prie, me voir le plus tôt possible.

Envoyez, je vous prie, par le retour de l’exprès, des citrons et toutes les clefs. Vous m’apporterez, je vous prie, les deux paquets de papier que je vous avais remis en dépôt, principalement le gros. Je vais manger et me coucher, et vous embrasse de tout mon cœur.

Je crois que vous aviez raison quand vous disiez on ne vous poursuivra pas. Je n’en sais rien, mais je ne crois pas qu’on l’ait fait.

J’espère très fort dîner avec vous demain. Des citrons et toutes les clefs, je vous prie.


M. de Sade raconte comment il a pris la fuite et expose les raisons qui ont, à son avis, poussé madame de Montreuil, d’accord avec les magistrats et le ministre, à lui laisser reprendre sa liberté. « À la Coste, le 18 juillet à huit heures du matin[2] ».

Je ne doute pas, mon cher avocat, de toute la surprise que va vous donner cette lettre après vous avoir dit adieu, avant-hier, jusqu’à je ne

  1. Gaufridy a écrit, au dos de la lettre : « Reçue le 18 juillet ».
  2. Cette lettre a été composée à loisir et antidatée par le marquis. C’est à la fois un plaidoyer, une relation arrangée et un biais pour désarmer ses ennemis par la générosité qu’il leur prête.
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