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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


avait voulu s’emparer de l’esprit et des affaires de son mari, laquelle n’avait pas le sens commun. Je crains que l’arrivée de mademoiselle Rousset, si elle est méchante et adroite, ne gâte tout. La dernière phrase de votre dernière lettre définit bien juste la personne qu’elle regarde……


Mademoiselle de Rousset livre son premier combat à madame de Montreuil, mais elle est subjuguée par le charme que la présidente « tient du diable », selon le marquis. (27 novembre 1778).

……J’ai vu avec la plus grande satisfaction madame la présidente ; elle me reçut avec tous les égards, l’honnêteté et la confiance possibles. Notre conversation fut longue, toute relative à l’objet de M. de S. Il ne fut point question de vous. Elle débuta par me dire que Marais était puni, les frais de son voyage perdus, « et je crois, me dit-elle, qu’il a perdu sa place parce qu’à la réception de votre lettre je fus porter mes plaintes ; j’y mis assez d’intérêt pour croire qu’il soit cassé ». J’ai répondu qu’il n’y avait rien de trop. Voyez que les femmes sont méchantes ! Représentez-vous, monsieur, deux individus qui ont quelque désir de se connaître ou bien deux chats qui veulent entrer en lice, l’agresseur faisant patte de velours, appuyant de temps en temps les griffes pour animer son adversaire. La bataille une fois livrée, sans avoir l’air d’y toucher, nous nous battîmes jusqu’au moment où je voulais faire monter à l’assaut. Là, dans la confusion des idées et la chaleur du combat, je vis bien positivement que M. de S. était aimé et que le cœur était à la gêne de le sentir où il est. Je lui fis une peinture un peu outrée de tout ce qu’il m’avait raconté dans son séjour de dix-huit mois. « Il est bien mieux, me dit-elle, que la première fois ; il a de la société, la plus grande facilité d’écrire et toutes les douceurs possibles. Mais comment faire ? Cela ne dépend pas de moi. — Ah ! je le sais bien, lui dis-je. Je ne m’adresse à vous que pour vous demander des moyens. J’ai perdu de vue mon Paris, vous le connaissez mieux que moi ; il me faut quelques consolations, où peut-on mieux la trouver que chez une mère tendre ? » Après le récit des obligations que M. de S. lui avait, et en cela elle a raison parce qu’elles sont grandes, vinrent ensuite les torts. « Il en convient, lui dis-je, mais il ne les réparera pas où il est. — Oh ! si vous saviez, mademoiselle, tout ce qu’il m’avait promis autrefois ! Voyez, dans la pièce ici où nous sommes, quels serments n’a-t-il pas faits ! — Je le crois, il était dans l’intention d’effectuer ses promesses. L’homme est faible, madame, vous le savez ; l’âge et ses malheurs ont produit de grands changements. — Je le souhaite ! Mais, dites-moi, mademoiselle, répondriez-vous bien de lui ? » Ah ! monsieur l’avocat, j’avais heureusement prévu à la question. Sans trop de vivacité ni de lenteur je répondis modestement : « Oui madame. — Sa famille est pourtant contre lui, aucun n’a encore fait la plus petite démarche pour demander son rappel. » Entendez-vous cette phrase, monsieur l’avocat ?… Je lui dis que j’avais vu madame de Villeneuve, madame de Saint-Laurent ; que tous le désiraient, que je supposais