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LA MARQUISE DE GANGE

résolution qu’il paraissoit avoir de poursuivre sa mort jusqu’au dernier instant. La réponse du chevalier fut deux coups d’épée qu’il lui donna dans le sein ; et, comme elle fuyoit vers la porte en criant au secours, il lui en donna encore cinq par derrière : l’épée se rompit, et le tronçon en resta dans son épaule. Tout le monde rentra dans la chambre : le chevalier sortit, alla trouver son frère, lui dit que l’affaire étoit faite. Comme ils se retiroient, la compagnie ayant auguré que ses blessures n’étoient pas mortelles, on cria par la fenêtre pour faire venir un chirurgien. L’abbé jugeant par ces cris qu’elle n’étoit pas morte, entra subitement, appuya le pistolet sur sa poitrine. Le pistolet ne prit point feu : il voulut alors s’en servir comme d’une massue,’mais toutes les dames et demoiselles fondirent sur lui, en l’accablant de coups, et le conduisirent ainsi jusques dans la rue ; tout ceci dura jusqu’à plus de neuf heures du soir.

Ces assassins profitèrent de la nuit, et se rendirent à Aubenas, terre du marquis, à une lieue de Ganges, où, après s’être pensé égorger entre eux, chacun se reprochant l’un à l’autre la faute de n’avoir pas consommé le crime entièrement, ils balancèrent à revenir : mais la crainte d’être arrêtés leur fit prendre eefinn le parti de la fuite.

Les consuls de Ganges mirent une garde autour de la maison. Le baron de Tressan, grand prévôt, se mit aux trousses des assassins : mais ils s’étoient embarqués près d’Agde. Le marquis qui étoit à Avignon, instruit de l’assassinat de sa femme, se répandit en invectives contre ses frères : cependant étant allé faire des visites, comme à