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LA MARQUISE DE GANGE

torisera pas de ma démarche pour se fortifier dans la sienne ? Et quel triomphe alors pour ma rivale ! Oh ! non… non, mon amour, mon orgueil, tout est opprimé dans le parti que vous me conseillez : une bonne conduite n’offense ni l’un ni l’autre de ces deux sentiments, et je suis à la fois toujours digne de mon estime et de la sienne. — Soit, mais vous perdez infailliblement Alphonse, en vous y prenant de cette manière seulement, parce qu’il est injuste ; il vous accusera de faiblesse ; et pour un être que l’on déprise, l’amour ne se rallume jamais. Femme trop douce et trop vertueuse, daignez écouter mes conseils ; ce sont ceux de la plus tendre et de la plus sincère amitié. Je n’aspire qu’à vous voir heureuse, et qu’à guérir mon frère de la dangereuse passion qui l’entraîne. Je n’ai d’autre désir que de vous rendre au plus tôt l’un à l’autre : cette sévérité de mœurs dans laquelle vous vous renfermez vous écarte à jamais de mon but, et vous perd. Songez à ce que vous devez à mon frère, à ce que vous vous devez à vous-même ; et que de faibles considérations ne vous arrêtent pas, quand il s’agit du bonheur éternel de vos jours… — Du bonheur ! du bonheur ! s’écria la marquise, oh ! non, non, il n’en peut plus être pour moi. Je plaçais tout le mien dans les nœuds que j’avais formés volontairement ; je le plaçais à plaire à cet homme que j’adorais ; il rejette mes soins, il m’outrage !… Eh ! quel