Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 1.djvu/117

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Si Lélia s’abandonnait à quelques muettes sympathies, elle se refusait à les inspirer. Elle n’en avait pas besoin, la foule ne comprenait pas ce mystère, mais elle était fascinée, et, tout en cherchant à rabaisser cette destinée inconnue dont l’indépendance l’offensait, elle s’ouvrait devant elle avec un respect instinctif qui tenait de la peur.

Le pauvre jeune poëte, dont elle était aimée, concevait un peu mieux les causes de sa puissance, quoiqu’il ne voulût pas encore se les avouer. Parfois il était si près de la triste vérité, cherchée et repoussée par lui, qu’il éprouvait comme un sentiment d’horreur pour Lélia. Il lui semblait alors que Lélia était son fléau, son démon, son génie du mal, le plus dangereux ennemi qu’il eût dans le monde. En la voyant venir ainsi vers lui, seule et pensive, il ressentit comme de la haine pour cet être qui ne tenait à la nature par aucun lien apparent, sans songer qu’il eût souffert