Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 2.djvu/160

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nio, et pourquoi êtes-vous humilié d’être plus jeune et plus heureux que moi ? Vous ai-je jamais fait un reproche de n’avoir pas dépassé la course du temps et de n’être pas endurci aux fatigues quand votre enfance a jusqu’ici sommeillé sur des fleurs ? Hélas ! mon enfant, croyez-vous que je sois fière de mes souffrances ? Croyez-vous que j’en sois sortie sans tache et sans souillure ? La victime qu’on arrache à demi brisée aux horreurs de la torture, promène-t-elle sur la foule un regard audacieux et vain ? Ne lui est-il échappé ni rugissemens, ni blasphême sous le fer des bourreaux ? Si elle n’a pas trahi sa foi et renié son Dieu, n’est-ce pas qu’on lui a laissé quelque répit, voyant qu’elle perdait la force physique et le sentiment de la douleur ? Oh ! combien de fois, dans l’agonie du cœur, me suis-je laissée tomber à terre, inerte, épuisée, et criant pour dernière malédiction : — Dieu vengeur, ralentissez vos coups ; c’est peine perdue, car je ne les sens plus !