Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 2.djvu/79

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les jours sans fixer mon avenir, attendant que le réveil de mes facultés me poussât dans la vie ou m’enchaînât dans l’oubli.

» En effet, je ne tardai pas à sentir les nouveaux aiguillons de cette inquiétude désireuse et cuisante qui m’avait déjà fait subir tant de maux. Je m’aperçus un jour que ma liberté m’était rendue ; qu’aucun serment ne me consacrait plus à Dieu, que j’appartenais à l’humanité, et qu’il était temps peut-être de retourner à elle, si je ne voulais perdre entièrement l’usage de mes sens et de mon intelligence. Les jours d’affaissement qui trouvaient si souvent place dans ma vie me laissaient un long effroi, et je me débattais alternativement contre l’appréhension de l’idiotisme et celle de la folie.

» Un soir, je me sentis profondément ébranlée dans ma foi religieuse, et du doute je passai à l’athéisme. Je vécus plusieurs heures sous le charme d’un sentiment d’orgueil inconcevable, et puis je retombai de cette hau-