Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 2.djvu/80

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teur dans des abîmes de terreur et de désolation. Je sentis que le vice et le crime étaient tout près d’entrer dans ma vie, si je perdais l’espoir céleste qui seul m’avait fait jusque-là supporter les hommes.

» Le tonnerre vint à gronder sur ma tête : c’était le premier orage du printemps, un de ces orages prématurés qui bouleversent parfois inopinément les jours encore froids du mois d’avril. Je n’ai jamais entendu rouler la foudre et vu le feu du ciel sillonner les nuées, sans qu’un sentiment d’admiration et d’enthousiasme ne m’ait ramenée à l’instinct de la foi. Involontairement je tressaillis, et par habitude, je m’écriai saisie d’une sainte terreur : — Vous êtes grand, ô mon Dieu ! la foudre est sous vos pieds, et de votre front émane la lumière…

» L’orage augmentait ; je rentrai dans ma cellule, seul endroit vraiment abrité de l’abbaye. La nuit vint de bonne heure, la pluie tombait par torrens, le vent mugissait sans