Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/167

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« Par quel crime, dit-elle, ay-je offensé vos loix.
» Digne du triste sort que leur rigueur m’impose ?

» Les vers font bruit en France ; on les loue, on en cause ;
» Les miens, en un moment, auront toutes les voix :
» Mais j’y verray mon homme à toute heure aux abois,
» Si pour gaigner du pain il ne sçait autre chose. »

« Nous scaurons, dirent-ils, le pourvoir d’un mestier :
» Il sera fameux poëte et fameux menuisier,
» Afin qu’un peu de bien suive beaucoup d’estime. »

A ce nouveau party, l’âme les prit au mot ;
Et, s’asseurant bien plus au rabot qu’à la rime.
Elle entra dans le corps de maître Adam Billot.

Ceci ne justifie-t-il pas bien la manière dont maître Adam envisageait son métier de poëte, le plus mauvais des métiers, au dire de Corneille lui-même ? Ce n’était donc pour eux qu’un métier ; et, malgré une plus haute manière de l’envisager, c’en est un encore aujourd’hui. On a mieux constitué la propriété des produits du génie, et nos ouvriers poètes y trouvent un petit allégement à leur misère. Mais, croyez-moi, nos descendants s’étonneront (et peut-être avant que deux siècles soient écoulés), de ce trafic que nous faisons aujourd’hui de l’inspiration et de la réflexion. La vénalité des plumes du dix-septième siècle ne les scandalisera pas beaucoup plus que ce que nous sommes forcés de faire à l’égard du public ; et s’ils ne font pas un effort pour se représenter notre constitution sociale, ils se demanderont comment, avec des sentiments élevés et des intentions pures, nous avons fait de notre intellect un fonds de commerce. une manufacture de denrées mercantiles. Ceci nous