Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/408

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pas traiter d’exception les caractères qui résument en eux tout ce qu’il y a de bon en nous, et qui nous montrent une image à laquelle nous voudrions ressembler. Madame Aubry, ainsi faite, soulève un problème qui date de loin, et qui paraît toujours nouveau dans notre monde païen mal converti à la doctrine évangélique. Elle croit tout simplement à la conversion du pécheur. Nous appelons cela aujourd’hui la réhabilitation, et toutes les écoles socialistes de notre siècle cherchent un idéal renouvelé de l’idéal chrétien. Toutes, comme madame Aubray, marchent dans les pas sacrés qu’un doux et divin maître a laissas ineffaçables sur la poussière des siècles. Quels que soient le nom et la tendance de l’école, il y a toujours au fond ce mot d’ordre : tolérance ou pardon, excuse ou réhabilitation.

Cette figure d’ange pouvait-elle devenir dramatique au théâtre ? S’intéresse-t-on à l’être qui ne peut pas faillir ?

L’auteur a vaincu cette difficulté effrayante. Madame Aubray se précipite elle-même par la spontanéité de son instinct, par la sublimité de sa doctrine, dans une situation terrible. Son fils unique, un ange comme elle, l’être qu’elle adore par dessus tout, et dont à bon droit elle est fière, a trop profité de ses leçons, trop épousé ses croyances. Il aime une fille déchue, il veut en faire sa femme.

Madame Aubray reconnaît alors, ou qu’elle a mal conseillé son fils, ou qu’elle n’est pas à la hauteur des enseignements qu’elle lui a donnés. Ce jeune homme si pur va donc courir les risques d’une vie de honte et de désespoir ? Jeannine est éclairée et convertie, il est vrai : mais si elle retombait dans le péché ? Et, d’ailleurs,