paragraphe 3[1]. — Parmi les condamnés, il est vrai, le nombre des jeunes gens dépasse de beaucoup celui des hommes d’âge : c’est que, quand un homme est par son caractère disposé à mal faire, l’occasion ne se fait pas attendre pour lui, de passer à l’exécution, et d’arriver à son but, les galères ou la potence ; et au contraire, quand un homme a passé devant toutes les occasions de mal faire qui s’offrent durant une longue vie, sans y céder, plus tard il ne sera pas davantage facile à tenter. Telle est, à mon sens, la vraie raison du respect que l’on croit devoir aux vieillards : c’est qu’ils ont soutenu l’épreuve d’une longue vie, et conservé toujours leur intégrité ; sans quoi il n’y aurait plus à les respecter. — Cela, chacun le sait bien : aussi ne se laisse-t-on point prendre aux prétentions des moralistes ; quiconque s’est une fois montré un méchant homme, a perdu à jamais notre confiance ; et en revanche, une fois qu’un homme a fait preuve de générosité, quelque changement qui puisse survenir, nous comptons avec confiance sur son bon cœur. « Operari sequitur esse », cette vérité est un héritage fécond que nous tenons de la scolastique : dans ce monde, tout être agit selon son immuable nature, selon ce qu’il est en soi, selon son essentia ; et l’homme de même. Tel vous êtes, telles seront, telles doivent être vos actions : le liberum arbitrium indifferentiæ[2] n’est qu’une invention depuis longtemps sifflée, de la philosophie dans son bas âge ; et il n’y a plus pour traîner ce bagage que quelques vieilles femmes en bonnet de docteur.
Nous avons ramené à trois tous les principes qui font agir l’homme : égoïsme, méchanceté, pitié. Maintenant, s’ils se rencontrent en tout homme, c’est en des proportions incroyablement diverses et qui varient d’individu à individu. Selon les combinaisons, les motifs qui ont prise sur l’individu sont différents, et les actes aussi par conséquent. Sur un caractère égoïste, les