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LE FONDEMENT DE LA MORALE.

cevoir. — Tout le monde a connu de ces médecins qui, pour avoir une fois obtenu d’un certain remède le plus heureux succès, l’ordonnent quasi dans toutes les maladies : eh bien ! voilà Kant, à mon avis. Par la distinction qu’il a faite entre l’a priori et l’a posteriori dans la connaissance humaine, il est arrivé à la plus éclatante, à la plus féconde découverte, dont puisse se glorifier la métaphysique. Rien d’étonnant à ce qu’il essaie d’appliquer cette méthode et cette distinction partout. Dès lors, il faudra que la morale aussi soit composée de deux éléments, l’un pur, c’est-à-dire connu a priori, l’autre empirique. Là-dessus, cherchant un fondement à son éthique, il écarte le second élément, le déclare inadmissible à cette fonction. Quant au premier, il s’agit de le mettre au jour et de l’isoler : c’est l’objet du Fondement de la métaphysique des mœurs. Cette science sera donc purement a priori, dans le sens où le sont aussi ses Éléments métaphysiques de la physique. Ainsi, sans autre déduction ni démonstration, comme auparavant quand il s’est agi de cette loi morale dont l’existence a été admise d’avance, cet élément devra être connu a priori, indépendant de toute expérience intérieure ou extérieure : « il sera constitué uniquement par des concepts de la raison pure ; il sera un jugement synthétique a priori. » (Critique de la raison pratique, 4e édit., p. 56 ; R. 142.) D’où il suit assez directement, que ce même élément devra être une simple forme, comme tout ce qui est connu a priori, qu’il se rapportera donc à la seule forme, non au contenu des actions. — Tâchez de comprendre ! — Il ajoute expressément (Préface du Fondement, p. vi ; R. 5) que cet élément, il « ne faut pas le chercher dans la nature de l’homme, dans le subjectif, ni dans son entourage extérieur, dans l’objectif » ; et encore (ibid., p. vii ; R. 6) qu’ici « il ne s’agit pas de rien tirer par déduction de notre connaissance de l’homme, de l’Anthropologie. » Il y revient encore (p. 59 ; R. 52) : « Il ne faudrait pas se laisser aller à cette pensée, qu’on doit pour établir la réalité du principe moral, le déduire de la constitution particulière de la nature humaine. » De même (p. 60 ; R. 52) : « Rien de ce qui se déduit de quelque