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VIII
AVERTISSEMENT

écoles. Presque tous les critiques m’ayant approuvé d’avoir abandonné la vieille et illogique classification par genres ; généralement adoptée, je me suis senti d’autant plus en droit de conserver une méthode qui me paraît la seule bonne à tous les points de vue. Une difficulté se présentait, toutefois, que j’avais déjà rencontrée dans mon précédent volume. Où commence et où finit une école littéraire ? Quelquefois un auteur est, en quelque sorte, à cheval sur deux périodes et deux écoles ; quelle place faut-il lui donner alors ? N’y a-t-il pas des auteurs inclassables ? — Toutes ces objections, je me les suis faites à moi-même. Je me rends donc parfaitement compte qu’on trouvera dans ma classification des parties discutables ; les critiques auront l’amabilité de la considérer comme une chose relative ; je n’ai aucune prétention à l’infaillibilité littéraire, mais je pense que, pour étudier une littérature, une classification chronologique et naturelle, même contestable dans quelques-uns de ses détails, est cent fois préférable au désordre chaotique des chrestomathies basées sur les genres.

La première difficulté en faisait naître une seconde. En poésie, il y a beaucoup d’écoles excentriques ; fallait-il prononcer à leur égard le dignus es intrare ? Devais-je, par exemple, faire une place à l’école symboliste ? L’auteur est de ceux qui pensent qu’un très large éclectisme doit présider à l’enseignement d’une littérature. Si on laisse systématiquement de côté tout ce qui ne répond pas à un certain idéal de beauté littéraire, on s’expose à être injuste et, en tout cas, on est incomplet. Un critique peut ne pas aimer telle ou telle école, mais du moment qu’elle existe, il n’a pas le droit de l’ignorer, il faut la citer, ne serait-ce que pour la combattre. C’est pour cela que j’ai admis dans ce volume l’école symboliste et les vers-libristes, tout en faisant mes réserves expresses sur les principes de ces novateurs que je suis loin d’accepter en bloc.

Cette Chrestomathie est consacrée surtout aux œuvres poétiques de la France. Mais j’ai fait également une place aux poètes belges, aux poètes de la Suisse française et aux exotiques, de sorte que cet ouvrage a un caractère de généralité et d’équité littéraires beaucoup plus grand que celui du