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LA TRAGÉDIE DE LOCRINE.

la mort à un homme qui aspire à la mort, — donne la mort à un homme qui hait l’existence… — Adieu, belle Estrilde, modèle de beauté, — élevée au faîte du suprême malheur ! — Jamais mes yeux ne contempleront plus tes yeux à la lumière du soleil ; — mais nous nous retrouverons dans les Champs-Élysées, — où je me hâte de te précéder. — Adieu, monde futile aux piéges séducteurs ! — Adieu, vice affreux aux plaisirs tentateurs ! — Et toi, mort, fin des terrestres souffrances, sois la bienvenue, — sois la bienvenue au cœur accablé de Locrine.

Il se perce de son épée.
estrilde.

— Brise-toi, mon cœur, à force de sanglots et de soupirs ! — Larmes, coulez à flots de mes yeux humides ! — Aidez-moi à pleurer la mort du belliqueux Locrine ! — Vous toutes, régions humides, laissez tomber vos larmes ; — car le puissant Locrine est privé de la vie… — Ô capricieuse fortune ! Ô monde inconstant ! — Que renferme ce globe, — sinon un chaos confus de misère ? — Comme en un miroir, nous y voyons clairement — que toute notre vie n’est qu’une tragédie, — puisque les rois les plus puissants sont sujets au malheur. — Oui, les rois les plus puissants sont sujets au malheur, — puisque le martial Locrine est privé de la vie. — Estrilde peut-elle vivre quand Locrine n’est plus ? — L’amour de la vie doit-il la soustraire à l’épée de Locrine ? — Oh ! non ! cette épée qui lui a ôte la vie — va faire envoler mon âme. — Fortifie ces mains, ô puissant Jupiter, — que je puisse mettre un terme à ma lamentable misère. — Je viens, Locrine ! Locrine, je te suis.

Elle se tue.
Fanfare d’alarme. Entre Sabren.
sabren.

— Quelle sinistre vue, quel douloureux spectacle — la Fortune a-t-elle offert à mon cœur désolé ? — Mon père