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INTRODUCTION.

ment de la reine Élisabeth ne fit qu’irriter leurs exigences. Que les enfants de chœur de la cathédrale fussent réduits désormais au silence, c’était bien, mais ce n’était pas assez. Ce que réclamaient par dessus tout les puritains, c’était la suppression de la première scène de la métropole, c’était la fermeture de cette salle de spectacle que Burbage avait ouverte en 1576 et qui, depuis la récente construction de la salle du Globe, était devenue le théâtre d’hiver des serviteurs du lord chambellan. À entendre les puritains, le théâtre de Blackfriars était le plus nuisible et le plus dangereux de tous. Situé tout à côté de la cathédrale de Saint-Paul, il troublait le service religieux par l’éclat profane de ses fifres et de ses trompettes, il distrayait de leurs dévotions les bourgeois bien pensants, il gênait la circulation par le nombre de coches, de carrosses et de véhicules de toute sorte qui stationnaient à sa porte, enfin il propageait spécialement la peste dans la cité par l’agglomération des trop nombreux spectateurs qu’il attirait. Ce théâtre était, aux yeux des puritains, l’abomination de la désolation. Il avait un vice énorme, — sa vogue. Également fréquenté par la cour et par le peuple, il corrompait en masse toutes les classes de la société. Il donnait en spectacle à la foule des ouvrages qui avaient le don de la passionner et dont la représentation faisait événement dans toute l’Angleterre. Ces ouvrages, que l’évangélique Philipp Stubbes déclarait être « pleins d’immondices, de grossièreté, d’obscénités, de corruption, d’escroquerie et de fourberie[1], » c’était les deux Gentilshommes de Vérone, c’était le Songe d’une nuit d’été, c’était Roméo et Juliette, c’était Richard III, c’était Hamlet. Avoir joué tous ces chefs-d’œuvre, tel était le crime du théâtre de Blackfriars. En 1596, les puritains firent un effort suprême pour faire fermer ce théâtre.

  1. Philipp Stubbes Motive to good Vorks (1593).