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INTRODUCTION.

couvert au onzième siècle dans un couvent de l’Armorique par l’archidiacre Walter Mapes, et traduit en prose latine par l’archidiacre Geoffroy de Monmouth, puis en vers français par le trouvère Robert Wace, — la première colonie qui s’établit dans l’île d’Albion était une colonie troyenne commandée par Brutus, arrière-petit-fils d’Énée.

Ce Brutus, venu au monde en Italie, après l’incendie de Troie, avait commis involontairement un double parricide. En naissant, il avait tué sa mère. À quinze ans, il avait blessé mortellement son père dans une partie de chasse. Obligé de fuir après cette maladresse fatale, il chercha un asile en Grèce et rallia autour de lui ses compatriotes asservis. Aidé du chef phrygien Assaracus, il vainquit le roi des Grecs Pandrassus sous les murs de Sparatinum, le fit prisonnier, exigea de lui pour femme sa fille Imogène, et le força à équiper une flotte sur laquelle il s’embarqua avec l’armée victorieuse. Sur la foi d’un songe qui lui promettait un trône dans une île de l’occident, il se hasarda au delà du détroit de Gibraltar ; il longea la côte ibérique, s’arrêta aux pieds des Pyrénées pour recueillir à son bord les descendants d’Anténor, commandés par le capitaine Corinéus, « homme, dit la chronique, d’une grande modestie, d’une sagesse éprouvée, et d’une incomparable hardiesse, » et débarqua à l’embouchure de la Loire, entre l’Aquitaine et la Gaule celtique, dans les domaines du roi Gossarius, surnommé Pictus. — Maître de tout le Poitou, ayant pour sujets ces Agathyrses, si terriblement tatoués, dont parlent Hérodote et Virgile, Gossarius était fort puissant ; il voulut s’opposer à l’invasion des Troyens et leur livra bataille près de Tours. Mais, grâce à l’habile stratégie de Corinéus, les Troyens remportèrent une victoire décisive. Brutus enterra dans les murs de Tours son neveu Turinus qui venait d’être tué, ravitailla son armée, chargea ses vaisseaux des dépouilles de la Gaule ; et remit à la voile.