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LES APOCRYPHES.

Enfin il aperçut la terre promise d’Albion et aborda au havre de Totness. Cet événement mémorable eut lieu en l’an du monde 2850, soixante-six ans après la destruction de Troie ; trois cent quatre-vingt-dix-sept ans après le passage de la mer Rouge par les Israélites, trois cent soixante-huit ans avant la fondation de Rome, sept cent quatre-vingt-trois ans avant l’avènement d’Alexandre, et onze cent seize ans avant la naissance de Jésus-Christ.

En vain les habitants primitifs de l’île, ces formidables aborigènes, qui, selon Pomponius Mela, avaient lutté contre Hercule, ces géants, qui descendaient d’Albion, essayèrent-ils d’empêcher l’établissement des Troyens. Brutus leur donna la chasse et les détruisit. Au bout de quelques semaines, un seul restait debout, c’était le terrible Gogmagog. Corinéus rencontra Gogmagog près de Douvres, le défia, le saisit à bras-le-corps, et le précipita du haut de la falaise dans la mer. Après cet exploit suprême, Brutus était maître de l’île entière. Il récompense Corinéus en lui concédant le pays de Cornouailles, s’adjugea l’antique Albion, qui prit dès lors le nom de Bretagne, et fonda, à l’embouchure de la Tamise, à l’emplacement où est aujourd’hui Londres, une capitale qu’il appela Troynovant, ou nouvelle Troie, en mémoire de la mère-patrie. Après vingt-quatre ans de règne, sentant sa fin prochaine, il partagea ses États entre les trois fils que lui avait donnés Imogène ; à l’aîné, Locrine, il assigne la Lœgrie, qui devint l’Angleterre ; au puîné, Camber, il attribue la Cambrie, qui devint la principauté de Galles ; au cadet, Albanact, il légua l’Albanie, qui devint l’Écosse ; puis il mourut.

À peine ce partage était-il consommé que la Bretagne fut envahie au nord par Humber, roi des Huns. Albanact tenta de repousser les barbares, et fut tué en les combattant. Les troupes d’Albanact, terrifiées, se replièrent précipitamment vers le midi et vinrent demander protection à Locrine.