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INTRODUCTION.

Locrine et son frère Camber marchèrent à la rencontre de l’envahisseur. Humber fut mis en déroute et se noya dans une rivière qui désormais devait garder son nom.

Locrine s’empara du camp des Huns, et trouva parmi les captifs la belle Estrilde, fille d’un roi scythe, qu’Humber avait enlevée en ravageant les côtes de la Germanie. Il s’éprit de cette princesse et résolut de la prendre pour femme. Mais il y avait à cette union un obstacle grave. Locrine était déjà fiancé à lady Guendolen, fille du duc de Cornouailles, Corinéus. Intimidé par ce chef redoutable qui avait vaincu le géant Gogmagog, il se résigna à épouser publiquement Guendolen, et à dissimuler ses amours. Il cacha Estrilde dans un palais souterrain dont l’issue n’était connue que d’un page fidèle et de lui seul, et pendant sept ans il la visita à l’insu du monde entier. De son union légitime avec Guendolen, naquit un fils qui fut nommé Madan ; de sa liaison clandestine avec Estrilde, naquit une fille qui fut appelée Sabren ou Severn. Cet état de choses dura jusqu’à la mort de Corinéus. Délivré de son formidable beau-père, Locrine jeta le masque. Il répudia Guendolen et tira Estrilde de sa retraite, pour la placer sur le trône de Bretagne. Guendolen, irritée, se vengea en déclarant la guerre à son mari. Elle leva une armée dans le pays de Cornouailles et livra bataille au roi Locrine sur les bords de la Sture. Les troupes du roi furent complètement battues ; Locrine fut tué dans la mêlée ; et Guendolen couronna sa victoire en faisant jeter Estrilde et Sabren dans la rivière voisine, qui prit dès lors le nom de Severn.

Cette légende américaine, qui assigne à l’Angleterre barbare une origine classique, qui présente la conquête d’Albion comme une suite de l’Iliade, et qui érige la nation britannique en peuple homérique, a longtemps passé pour digne de foi. Au seizième siècle, le grave Holinshed l’a consignée tout au long en tête de ses chroniques, et, au