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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, Laroche, 1842, vol 3.djvu/47

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ACTE III, SCÈNE II. 37

faire mieux comprendre (et cependant une jeune fille n’a d’autre langage que sa pensée) , je vous dirai que je souhaiterais pouvoir vous retenir ici un mois ou deux avant de vous voir risquer votre destinée pour moi. Je pourrais vous enseigner à bien choisir ; mais alors je serais parjure , ce que je ne serai jamais. De cette manière , vous pouvez ne point m’obtenir ; mais alors vous me ferez éprouver un regret coupable, celui de ne pas m’être parjurée. Hélas ! vos yeux m’ont regardée et m’ont divisée en deux parts ; l’une est à vous, l’autre à vous, — c’est à moi que je voulais dire ; mais si elle est à moi , elle vous appartient ; ainsi tout est à vous : ô destinée injuste, qui met une barrière entre le propriétaire et sa propriété, si bien qu’étant vôtre, je ne serai peut-être point à vous. — N’importe, que la fortune en porte la peine, — et non moi. Je parle trop ; mais c’est pour passer le temps , pour l’allonger et retarder votre choix.

BASSANIO. Laissez-moi choisir ; car en mon état actuel, je suis à la torture.

PORTIA. A la torture , Bassanio ? Avouez donc quelle trahison est mêlée à votre amour.

BASSANIO. Aucune ; si ce n’est cette coupable méfiance qui me fait redouter de perdre ce que j’aime. Il y aura plutôt affection et sympathie entre la neige et le feu qu’entre la trahison et mon amour.

PORTIA. Oui ; mais je crains que vos paroles ne soient forcées, comme celles qu’arrache la douleur.

BASSANIO. Promettez-moi la vie, et je confesserai la vérité.

PORTIA. Eh bien ! confessez et vivez.

BASSANIO. Confessez et aimez, auriez-vous dû me dire, car c’eiit été là toute ma confession. O torture fortunée , quand mon bourreau lui-même me suggère les réponses qui doivent amener ma délivrance ! Mais laissez-moi tenter ma fortune et faire un choix parmi ces coffres.

PORTIA. A l’œuvre donc : je suis renfermée dans l’un d’eux ; si vous m’aimez, vous me trouverez. — (Aux personnes de sa suite.) Nérissa, et vous tous, tenez-vous à quelque distance. — Que la musique se fasse entendre pendant qu’il fera son choix ; s’il perd, il finira comme le cygne, au sein de l’harmonie ; pour que rien ne manque à la ressemblance, mes yeux seront l’onde limpide qui formera son lit de mort. S’il gagne , que sera la musique alors ? Eh bien ! la musique sera la fanfare qui