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SCÈNE XI.

BÉNÉDICT.

— Deux d’entre eux ont toute la droiture de l’honneur ; — et si leur sagesse a été égarée cette fois, — c’est l’œuvre de Juan le bâtard, — dont l’esprit s’acharne à tramer des infamies.

LÉONATO.

— Je n’en sais rien. S’ils ont dit vrai sur elle, — ces mains la déchireront ; mais, s’ils outragent son honneur, — le plus fier d’entre eux aura de mes nouvelles. — Le temps n’a pas encore desséché mon sang ; — l’âge, dévoré mon intelligence ; la fortune, épuisé mes ressources ; — ma méchante vie, éloigné de moi les amis, à ce point que je ne puisse retrouver, éveillés pour une telle cause, — un bras fort, un esprit sagace, — des moyens féconds et des amis d’élite, — qui m’acquittent pleinement envers eux.

LE MOINE.

Arrêtez un moment ; — laissez-vous diriger par mes conseils. — Les princes ont laissé ici votre fille pour morte ; — qu’elle reste quelque temps secrètement enfermée, — et publiez qu’elle est morte en réalité ; — gardez un deuil d’apparat, — couvrez votre vieux monument de famille — d’épitaphes, et observez tous les rites — qui conviennent aux funérailles.

LÉONATO.

— Et qu’en adviendra-t-il ? À quoi ceci servira-t-il ?

LE MOINE.

— D’abord ceci, bien mené, devra, à l’égard de votre fille, — changer la calomnie en remords ; c’est déjà un bien ; — mais l’étrange expédient que j’imagine — enfantera, je l’espère, de plus grands résultats. — Censée morte, grâce à nos affirmations, — au moment même où elle était accusée, — elle sera pleurée, plainte, excusée