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ANTOINE ET CLÉOPATRE, ROMÉO ET JULIETTE.

servi à Shakespeare pour élever son monument. Si scrupuleuse est l’exactitude avec laquelle Shakespeare reproduit Amyot, que, pour traduire l’un, je n’ai eu souvent qu’à copier l’autre. Le lecteur trouvera cités plus loin tous les passages dont l’auteur s’est particulièrement inspiré ; j’ai souligné dans ces citations quantité de phrases et de mots littéralement empruntés par le poëte au prosateur.

Antoine et Cléopâtre a été abrégé pour le théâtre de Drury-Lane, en 1758, par Edward Capell.

(2) « Mais, pour revenir à Cléopatra, Platon écrit que l’art et science de flatter se traite en quatre manières, toutefois elle en inventa beaucoup de sortes : car fût en jeu ou en affaire de conséquence, elle trouvait toujours quelque nouvelle volupté par laquelle elle tenait sous sa main et maîtrisait Antonius, ne l’abandonnant jamais, et jamais ne le perdant de vue ni de jour ni de nuit : car elle jouait aux dés, elle buvait, elle chassait ordinairement avec lui, elle était toujours présente quand il prenait quelque exercice de la personne : quelquefois qu’il se déguisait en valet pour aller la nuit rôder par la ville, et s’amuser aux fenêtres et aux huis des boutiques des petites gens mécaniques, à contester et railler avec ceux qui étaient dedans, elle prenait l’accoutrement de quelque chambrière, et s’en allait battre le pavé et courir avec lui, dont il revenait toujours avec quelques moqueries et bien souvent avec des coups qu’on lui donnait : et combien que cela déplût et fût suspect à la plupart, toutefois communément ceux d’Alexandrie étaient bien aises de cette joyeuseté et la prenaient en bonne part, disant élégamment et ingénieusement qu’Antonius leur montrait un visage comique, c’est-à-dire joyeux, et aux Romains un tragique, c’est-à-dire austère. » — (Plutarque traduit par Amyot. Vie d’Antoine.)

(3) « Ainsi comme Antonius prenait ses ébats en telles folies et telles jeunesses, il lui vint de mauvaises nouvelles de deux côtés : l’une de Rome, que Lucius, son frère, et Fulvia, sa femme, avaient premièrement eu noise et débat ensemble, et puis étaient entrés en guerre ouverte contre César, et avaient tout gâté, tant qu’ils avaient été contraints de vider et s’enfuir de l’Italie : l’autre, qui n’était point meilleure que celle-là, c’est que Labiénus, avec l’armée des Parthes, subjuguait et conquérait toute l’Asie, depuis le fleuve