Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/182

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çon, — et sans que l’ami le plus cher d’Hamlet — tienne jamais Léartes pour suspect.
LÉARTES.

Monseigneur, votre idée me plaît ; — mais si le seigneur Hamlet refuse cet assaut ?

LE ROI.

Je vous garantis que non. Nous ferons de vous — un rapport si extraordinaire, — que nous l’engagerons, fût-ce malgré lui. — Et de peur que tout cela ne manque, — je tiendrai prête une potion qui, — lorsqu’il demandera à boire dans la chaleur du combat, — fera sa fin et notre bonheur.

LÉARTES.

Voilà qui est excellent. Oh ! que le moment n’est-il venu ! — Voici venir la reine.

Entre la Reine.
LE ROI.

Eh bien ! Gertrude, pourquoi cet air accablé ?

LA REINE.

Oh ! monseigneur, la jeune Ofélia, — ayant fait une guirlande de diverses sortes de fleurs, — était assise sur un saule près d’un ruisseau ; — la tige envieuse s’est cassée, et elle est tombée dans le ruisseau ; — pendant quelque temps, ses vêtements, étalés autour d’elle, — ont soutenu la jeune dame ; elle est restée ainsi souriant, — comme une sirène, entre le ciel et la terre, chantant maintes vieilles chansons, comme insensible — à sa détresse. Mais cela n’a pu durer longtemps : — ses vêtements, allourdis par ce qu’ils avaient bu, — ont traîné la douce malheureuse à la mort.

LÉARTES.

Ainsi, elle est noyée. — Tu n’as déjà que trop d’eau, Ofélia ; — je ne veux donc pas te noyer dans les larmes.