Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 2.djvu/246

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nous ne sommes que cinq habitants ; en voici trois. Si les deux autres sont aussi écervelés que nous, l’État est bien chancelant.
STEPHANO.

Bois, valet-monstre, quand je te le dis. Tu as les yeux presque enchâssés dans la tête.

TRINCULO.

À quel autre endroit pourrait-il les avoir ? Ce serait un joli monstre, pour le coup, s’il les avait à la queue.

STEPHANO.

Mon homme-monstre a noyé sa langue dans le vin. Quant à moi, la mer même ne peut pas me noyer : avant de pouvoir rattraper la côte, j’ai nagé trente-cinq lieues en louvoyant, j’en jure par le jour ! Tu seras mon lieutenant, monstre, ou mon enseigne.

TRINCULO.

Votre lieutenant, si vous voulez. Car il ferait une vilaine enseigne.

STEPHANO.

Nous n’allons pas courir, monsieur le monstre.

TRINCULO.

Ni même marcher, mais vous allez vous coucher comme des chiens, et vous ne direz rien ni l’un ni l’autre.

STEPHANO.

Veau de la lune, parle une fois dans ta vie, es-tu un bon veau de la lune ?

CALIBAN.

Comment va ta seigneurie ? Laisse-moi lécher ton soulier… Je ne veux pas le servir, lui ; il n’est pas vaillant.

TRINCULO.

Tu mens, monstre ignorant ; je suis en état de rosser un constable. Dis-moi, toi, poisson de débauche, y a-t-il jamais eu un homme lâche qui ait bu autant de vin que