Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 2.djvu/324

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de lui montrer un nid de geais ? » N’y a-t-il pas là une analogie frappante dans le détail même ?

Au surplus, ce rapprochement, si curieux en lui-même, est une occasion pour moi de mettre sous les yeux du public français un admirable tableau de genre, une peinture à la Salvator Rosa de l’habitation désolée choisie par la sorcière. En regardant la sinistre cabane dessinée par Spenser, le lecteur se figurera aisément qu’elle peut servir de demeure à la hideuse Sycorax, mère de Caliban.

Le bruit s’est répandu à la cour des fées que le beau Marinel, petit-fils de Nérée, a été tué dans une rencontre par quelque méchant chevalier. Le fait est qu’il n’a pas reparu depuis cinq jours. Inquiète sur le sort de son amant, la fée Florimel s’échappe de la cour et erre à l’aventure pour retrouver Marinel, mort ou vif. Pendant quatre jours et quatre nuits, elle court le monde sans s’arrêter, au grand galop de son cheval. Mais il est une limite à la vigueur du palefroi féerique, comme aux forces d’un destrier terrestre. La fatigue gagne le cheval ainsi que l’écuyère. Malgré l’ardeur que lui donne l’amour, la pauvre fée sent le besoin de se reposer sous quelque toit hospitalier. La nuit arrive. Seule, sans écuyer qui l’accompagne, Florimel s’est engagée dans une sombre forêt. Elle frissonne « à chaque ombre qu’elle voit, à chaque bruit qu’elle entend… » Enfin elle aperçoit une fumée et se croit sur la trace de quelque demeure humaine.

« À travers la cime des grands arbres elle découvrit une fumée dont la vapeur mince et légère tourbillonnait, en s’exhalant, jusqu’au ciel : ce fut pour elle l’heureux signal que quelque créature vivante habitait là. Aussitôt elle dirigea ses pas de ce côté, et arriva enfin, épuisée de lassitude, à l’endroit où la guidait l’espoir de trouver un asile et de reposer ses lianes harassés.

» Là, dans un triste vallon, elle aperçut une petite cahutte, bâtie de branches et de roseaux, d’apparence misérable, et, tout autour, crépie de mottes de terre. Une sorcière y demeurait, vêtue d’ignobles haillons, dans un dénûment volontaire et dans l’insouciance de tout besoin. Elle avait choisi cette retraite solitaire, éloignée de tous voisins, afin de cacher au monde ses actes diaboliques et ses pratiques infernales, et de pouvoir de loin, inconnue à tous, frapper ceux qu’elle haïssait.

» Aussitôt arrivée, la demoiselle entra et trouva la stryge, assise par