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LES AMANTS TRAGIQUES.

nos deux maisons n’y mît pas plus d’obstacle que ma volonté !

— Qu’importe cette inimitié ! Consentez à être ma femme, et je ne crains pas que personne ose vous arracher de mes bras.

Cependant Juliette résista aux instances de Roméo, et les deux jeunes gens se séparèrent sans avoir pris de parti. Enfin, un soir que la neige tombait à gros flocons, le pauvre amoureux transi frappa au balcon de la jeune fille et la supplia de l’admettre dans sa chambre. Juliette s’y refusa avec irritation et répliqua tout net qu’elle n’accorderait une pareille faveur qu’à son mari. Toutefois, ne voulant pas que Roméo s’exposât plus longtemps pour venir la visiter, elle se déclara prête à l’épouser et à le suivre ensuite partout où il voudrait l’emmener. Le jeune homme fut ravi d’avoir obtenu le consentement souhaité. Pour célébrer le mariage, tous deux convinrent de s’adresser secrètement au moine franciscain Lorenzo, grand philosophe, très-expérimenté en beaucoup de sciences tant naturelles que physiques.

Ce religieux était le confesseur de Juliette et l’ami de Roméo. Il n’eut aucune objection à consacrer une alliance qui, espérait-il, pouvait amener une réconciliation entre les familles rivales. Conformément à un plan arrêté d’avance, un jour de carême, Juliette quitta la maison paternelle sous prétexte d’aller à confesse, et se rendit au couvent de Saint-François-en-Citadelle, où Roméo l’attendait. Le mariage fut conclu dans le confessionnal même.

Quelques semaines après cette union clandestine, une rixe éclate sur la promenade du Cours entre les Cappelletti et les Montecchi ; Roméo, quoique présent, s’abstient d’abord d’y prendre part, mais il entend les cris de ses partisans blessés ; il veut les venger, s’élance sur un