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SCÈNE I.

ANTOINE.

— Que Rome s’effondre dans le Tibre ! et que l’arche immense — de l’empire édifié s’écroule ! Voici mon univers ! — Les royaumes ne sont que fange : notre fumier terrestre — nourrit également la bête et l’homme. La noblesse de la vie, — c’est de s’embrasser ainsi,

Il embrasse Cléopâtre.
quand un couple si bien appareillé, — quand deux êtres comme nous peuvent le faire !… Dans cette sublime étreinte, j’enjoins — au monde entier, sous peine de châtiment, de reconnaître — que nous sommes incomparables !
CLÉOPÂTRE.

Excellente imposture ! — Pourquoi eût-il épousé Fulvia, s’il ne l’aimait pas ? — Je ne suis pas la folle que je veux paraître : Antoine — sera toujours lui-même…

ANTOINE.

Sans cesse animé par Cléopâtre. — Ah ! pour l’amour de mon amour et de ses douces heures, — ne perdons pas le temps en conférences ardues. — Il n’est pas une minute de notre existence qui doive se prolonger — désormais sans quelque plaisir : quelle fête ce soir ?

CLÉOPÂTRE.

— Écoutez les ambassadeurs.

ANTOINE.

Fi ! reine querelleuse, — à qui tout sied, gronder, rire, — pleurer : chez qui toutes les passions réussissent pleinement — à paraître belles et à se faire admirer ! — Pas de messagers !… Seuls tous les deux, — ce soir nous flânerons dans les rues et nous observerons — les mœurs du peuple. Venez, ma reine : — vous me l’avez demandé la nuit dernière… (2).