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le prix des choses de première nécessité ; mais où il n’y en a point, la concurrence le réglera bien mieux que toutes les taxes possibles. La méthode établie par le statut de la trente-unième année de Georges II, pour régler le prix du pain, ne peut se pratiquer en Écosse, à cause d’une omission à la loi, son exécution dépendant de l’office de clerc du marché[1], qui n’existe pas dans ce pays. On ne remédia à cette omission qu’à la troisième année de Georges III. Le défaut de taxe n’occasionna pas d’inconvénient remarquable, et son établissement, dans un petit nombre d’endroits où elle eut lieu, ne produisit aucun avantage sensible. Il y a pourtant, dans la plus grande partie des villes d’Écosse, une corporation de boulangers qui réclame des privilèges exclusifs, mais ceux-ci ne sont pas, au reste, très-sévèrement observés[2].

J’ai déjà remarqué[3] que la proportion entre les taux différents, tant des salaires que des profits, dans les divers emplois du travail et des capitaux, ne paraissait pas être beaucoup affectée par l’état de richesse ou de pauvreté de la société, par son état croissant, stationnaire ou décroissant. Ces révolutions dans la propriété publique ont bien une influence générale sur l’universalité des salaires et des profits ; mais, en définitive, cette influence agit également sur tous, quels que soient les différents emplois. Ainsi, la proportion qui règne entre eux subsiste toujours la même, et aucune de ces révolutions ne doit guère y apporter de changements, au moins pour un temps considérable.


CHAPITRE XI.

de la rente de la terre ou du fermage[4]


Le fermage, considéré comme le prix payé pour l’usage de la terre, est naturellement le prix le plus élevé que le fermier est en état de

  1. Officier de justice, dont la fonction est de juger criminellement tous délits incidents aux foires et marchés, tels que la vente à faux poids et mesures, etc. Comme il était anciennement commis par l’évêque, il a conservé le nom de clerc, quoique aujourd’hui ce juge soit presque toujours un laïque.
  2. Les lois relatives à la taxe du pain, à Londres et dans ses environs, ont été rappelées par un acte local passé en 1813 (55, Geo. III, ch. xix), et celles relatives à la taxe du pain en d’autres lieux, sont rarement exécutées. Mac Culloch.
  3. Chap. vii, à la fin.
  4. Mac Culloch fait observer ici que ce chapitre d’Adam Smith est défectueux. Selon le commentateur, l’auteur de la Richesse des nations n’aurait pas connu la nature, l’origine et les causes du fermage. Il conteste la proposition d’Adam Smith, d’après laquelle certaines espèces de produits produiraient toujours une rente. « S’il en était ainsi, dit Mac Culloch, le fermage existerait toujours, tandis qu’il est inconnu dans les époques primitives des sociétés. La vérité est que le fermage est exclusivement la conséquence de la diminution des pouvoirs productifs des terres successivement mises en culture à mesure que la société se développe, ou plutôt de la diminution du pouvoir productif des capitaux successivement appliqués à la culture de ces terres. On n’a jamais entendu parler de fermage dans les contrées nouvellement peuplées, comme la Nouvelle-Hollande, l’Illinois, l’Indiana, et tous les autres pays où l’on ne cultive que les meilleures terres. Le fermage n’apparaît qu’au moment où la culture s’est étendue aux « terres de qualité inférieure, etc. » *

    *. L’opinion émise ici par M. Mac Culloch n’est autre que la fameuse théorie du fermage imaginée par Ricardo, et qui a obtenu plus de succès en Angleterre que sur le continent. Il se peut, en effet, qu’une telle théorie convienne mieux aux habitudes et peut-être aux préjugés des Anglais sur la propriété ; mais elle nous parait inférieure à celle d’Adam Smith, qui est plus conforme à la nature des choses, et qui explique d’une manière beaucoup plus simple l’origine du fermage. Le fermage n’est, selon nous, que le prix de location d’un instrument privilégié dans les pays d’aristocratie, et d’un accès plus libre dans les pays où règne l’égalité des partages. La liberté absolue du commerce eu ferait encore plus baisser le taux, si elle existait quelque part. A. B.