Page:Stendhal - Armance, Lévy, 1877.djvu/137

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sairement toujours vrai. La marquise parlait en effet fort bien et depuis assez longtemps, lorsqu’une femme de chambre vint la chercher pour un devoir à rendre à une princesse étrangère. C’était un rendez-vous pris depuis huit jours ; mais l’intérêt de la nouvelle religion, dont on croyait qu’Octave serait un jour le saint Paul, avait tout fait oublier. Comme la marquise se sentait en verve, elle pria Octave d’attendre son retour. Armance vous tiendra compagnie, ajouta-t-elle.

Dès que madame de Bonnivet se fut éloignée : Savez-vous, ma cousine, ce que me dit ma conscience ? reprit aussitôt Octave sans nulle timidité, car la timidité est fille de l’amour qui se connaît et qui prétend ; c’est que depuis trois mois vous me méprisez comme un esprit vulgaire qui a la tête absolument tournée par l’espoir d’une augmentation de fortune. J’ai longtemps cherché à me justifier auprès de vous, non par de vaines paroles mais par des actions. Je n’en trouve aucune qui soit décisive ; moi aussi, je ne puis avoir recours qu’à votre sens intime. Or voici ce qui m’est arrivé. Pendant que je parlerai, voyez dans mes yeux si je mens. Et Octave se mit à raconter à sa jeune parente, avec beaucoup de détails et une naïveté parfaite, toute la suite des sentiments et des démarches que nous avons fait connaître au lecteur. Il n’eut garde d’oublier le mot adressé par Armande à son amie Méry de Tersan, et qu’il avait surpris en allant chercher le jeu d’échecs chinois. — Ce mot a disposé de ma vie ; depuis ce moment je n’ai pensé qu’à regagner votre estime. Ce souvenir toucha profondément Armance, et quelques larmes silencieuses commencèrent à couler le long de ses joues.

Elle n’interrompit point Octave ; quand il eut cessé de parler, elle se tut encore pendant longtemps. Vous me croyez coupable ! dit Octave extrêmement touché de ce silence. Elle ne répondit pas. J’ai perdu votre estime, s’écria-t-il, et les