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vaste conspiration. Par bonheur l’autorité jugea la chose plus sainement ; elle ne vit dans cette agression que le résultat d’un défi ou d’une gageure entre des étourdis. Aucune arrestation n’ayant pu être effectuée au moment du délit, l’affaire n’eut pas de suite, et nos parents en furent quittes pour la peur.

Parmi les élèves de l’école centrale, on pouvait remarquer un grand et gros garçon, aux cheveux blonds, à la figure commune, aux formes athlétiques et aux manières rustiques. Ce pauvre jeune homme, malgré la supériorité bien établie de ses forces musculaires, endurait assez patiemment le feu roulant des quolibets dont ses condisciples l’accablaient à tout propos : nous l’appelions Goliath. Un jour, cependant, il se mit en insurrection. Beyle, auquel on avait donné le surnom de la Tour ambulante, à cause de sa forte taille, lui lança une épigramme bien acérée, accompagnée d’un soufflet ; le rustaud ne resta pas en arrière, comme on peut croire. Nos deux champions, séparés par des camarades, convinrent de vider la querelle dans un duel régulier ; rendez-vous fut donné dans les fossés de la ville, entre les portes de Bonne et de Trécloître. Les combattants s’y rencontrèrent en compagnie des témoins désignés. Mais comme le cartel et l’heure prise pour le combat étaient à la connaissance de tous les élèves de l’école centrale, qui en avaient fait confidence à leurs amis,quatre à cinq cents personnes se trouvaient réunies sur le terrain lors de l’arrivée des adversaires. Néanmoins les pistolets furent chargés, on mesura la distance qui devait séparer les deux acteurs de cette scène mi-burlesque, on les mit en place, et le signal pour tirer allait être donné, lorsque la foule intervint, dans un but de conciliation, et termina l’affaire à l’honneur de tout le monde.

Les études de Beyle à l’école centrale eurent à la fois pour objet, le perfectionnement de celles auxquelles il s’était déjà adonné, et l’acquisition de nouvelles connaissances. Son travail s’appliqua successivement à la langue latine, aux belles-lettres, au dessin, aux mathématiques, à la grammaire générale.

À la fin de l’année scolaire de 1798, Beyle obtint un triom-